Le droit de préemption permet aux associés d’une société de pouvoir racheter en priorité les actions qui seraient mises en vente par l’un d’entre eux. Cette clause est généralement stipulée dans le pacte d’associés ou dans les statuts de la société pour les raisons suivantes :
- maintenir une stabilité du capital social en cas de départ de l’un des associés,[1]
- garder une influence[2] et un contrôle sur la cession et la répartition des titres de la société et éviter que des tiers ne puisse entrer au capital,
- éviter des déséquilibres entre les différents groupes d’associés en cas de cession d’actions au sein de l’un de ces groupes,
- ou au contraire renforcer la position dominante d’un associé ou d’un groupe d’associés spécifique.[3]
Concrètement, l’associé désireux de céder ses titres doit notifier au(x) associé(s) bénéficiaire(s), dans les délais prévus par les statuts ou le pacte d’associés, les conditions de l’offre de cession qu’il a négocié avec le tiers ou l’associé acquéreur. Si les bénéficiaires n’exercent pas leur droit de préemption dans les délais impartis, le cédant est alors libre de réaliser la cession avec le tiers ou l’associé acquéreur aux conditions initialement prévues. En revanche, si les associés bénéficiaires décident de préempter les actions, ils devront réaliser le rachat dans les délais impartis, à défaut l’associé sera à nouveau libre de les céder à l’associé pressenti.
Le droit de préemption peut être stipulé au bénéfice de tous les associés à concurrence de leur participation au capital ou en fonction de rangs de préférence au profit de certains associés ou groupe d’associés.[4] Ainsi, il est fréquent de prévoir un droit de préemption de premier rang des fondateurs en cas de cession d’actions par un autre fondateur ou par les premiers business angels ou associés dits « friends & family » qui ont investi dans les premiers tours. L’idée est de reluer le bloc fondateurs dont la dilution avait permis l’entrée de ces premiers investisseurs[5].
Il est toutefois usuel de prévoir des cas dits de « transferts libres » qui ne pourront pas donner lieu à l’exercice du droit de préemption. Cela est classiquement le cas lors de transfert des actions d’un fondateur à sa holding patrimoniale (pour autant que cette dernière réponde à certaines caractéristiques prévues dans le pacte), ou lors de transfert d’actions entre des fonds gérés par une même société de gestion dans le cas de reclassement de participations.
La clause de préemption est essentielle en l’absence de clause d’agrément (accord préalable des associés de faire entrer ou non un tiers au capital de la société) dans les statuts pour maîtriser les transferts d’actions et notamment éviter des cessions de titres à un tiers étranger à la société.
Toutefois, la sanction d’une violation d’une clause de préemption statutaire ou stipulée dans un pacte[6] est différente même si depuis la réforme du droit des obligations de 2016,[7] la sanction d’une telle clause stipulée dans un pacte a été renforcée. Ainsi, la violation d’une clause de préemption statutaire entraîne de par la loi la nullité de la cession notamment dans les SAS[8]. La clause stipulée dans un pacte d’associés sera sanctionnée par l’allocation de dommages-intérêts, excepté si le bénéficiaire du droit de préemption peut démontrer que le tiers cessionnaire est de “mauvaise foi”, c’est-à-dire qu’il avait connaissance de l’existence du droit de préemption et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir avant la réalisation de la cession. Si la preuve de cette connaissance du tiers peut être rapportée alors l’associé bénéficiaire pourra obtenir la nullité de la cession ou sa substitution au tiers dans la vente.[9]
La liberté statutaire de la SAS et contractuelle des pactes d’associés[10] implique d’apporter une grande attention à la rédaction des clauses de préemption afin de garantir leur efficacité juridique et la protection des droits des associés.
Il est ainsi primordial de prévoir une procédure de recours à dire d’expert en cas de désaccord des associés bénéficiaires sur le prix de cession proposé par le tiers ou d’encadrer la procédure dans des délais raisonnables pour que l’associé cédant ne soit pas indéfiniment bloqué au capital de la société ou que les associés bénéficiaires puissent disposer d’un délai suffisant pour obtenir un financement bancaire pour pouvoir racheter les actions de l’associé cédant si nécessaire.
A défaut la clause ne serait tout simplement pas applicable en pratique. Ceci pourrait engendrer des conséquences dommageables au niveau des équilibres capitalistiques entre les groupes d’associés qui pourraient être préjudiciables aux fondateurs et à la bonne gouvernance de la société.[11]
Question à se poser :
- Quel est l’objectif recherché par les associés ? Maintenir les équilibres en présence ? Reluer le fondateur ou empêcher les tiers d’entrer au capital ?
- Compte tenu de la table de capitalisation de la société et de la répartition des groupes d’associés, quels associés devraient bénéficier d’un droit de préemption ? De quel rang ? Dans quels cas ?
- Faut-il prévoir des cas de transferts libres ?
- Les délais prévus pour la mise en œuvre du droit de préemption sont-ils raisonnables pour garantir l’exercice des droits de l’associé cédant et des associés bénéficiaires ?
- Quelle est la solution proposée en cas de désaccord sur le prix proposé par le tiers ?
[1] M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, LexisNexis, 25e édition, (2012), n°764, p.415.
[2] Ibid, M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, n°746, p.404.
[3] Clause de préemption pour les cessions entre associés, Dictionnaire Permanent Droit des affaires, Dalloz Documentation, Sous-section 2, n°40.
[4] Droit de préemption de parts ou d’actions, E-bibliothèque, Droit des Sociétés, 15 Février 2012, Le Droit des Affaires.com.
[5] Galion Term Sheet illustrated, « right of first refusal » p.20.
[6] Ibid, M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, n°766, p.415.
[7] Ordonnance n° 2016-131, Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, 10 fev. 2016.
[8] Article L 227-15 du Code de commerce.
[9] Article 1123 du Code civil.
[10] M. Germain, P-L. Périn, SAS La société par actions simplifiée, Lextenso, 5e édition, (2013), n°371, p.212.
[11] Clause de préemption pour les cessions entre associés, Dictionnaire Permanent Droit des affaires, Dalloz Documentation, Sous-section 2, n°40.